CEREMA : Lettre intersyndicale aux Ministres

vendredi 5 juin 2020

Mesdames les Ministres,

Les représentants du personnel CGT - FO - UNSA du CHSCTE du Cerema vous alertent ce jour sur la santé des agents du Cerema .

Le constat d’une dégradation intense et rapide de l’état de santé physique et mentale des agents au fur et à mesure de l’avancement du projet de restructuration Cerem’avenir a conduit les représentants de l’intersyndicale à demander la réalisation d’une expertise risque grave (art 55-1 du décret 82-453) lors du CHSCT-E du 28 novembre 2019.

Réalisée par le cabinet Degest entre janvier et avril 2020, cette expertise dont les résultats ont été présentés au CHSCT-E du 28 mai 2020 fait le constat de l’existence de troubles psychosociaux avérés et d’un niveau inquiétant au Cerema.

Déjà en amont des annonces du projet Cerem’avenir, les diagnostics « RPS » dans différentes directions faisaient état de facteurs de risques et de troubles. Le diagnostic réalisé dans le cadre de l’expertise risque grave démontre un développement avéré de troubles psychosociaux de forte intensité, en lien avec le contenu des annonces faites depuis le mois de novembre 2019 dans le cadre de la démarche Cerem’Avenir.

Sans une prise en compte sérieuse de ces troubles, le cabinet d’expertise alerte sur le risque d’aggravation jusqu’en 2022, et au-delà. Les résultats de l’expertise sont (extrait du rapport d’expertise du 24 avril 2020) :

« 1er résultat : le CEREMA, depuis sa création, est confronté à une réduction continue de ses moyens humains et financiers, et cela sans véritable remise à plat de ses missions.

Certes ces réductions touchent inégalement les directions, les services et les agents, mais au global, et sur la durée, ces restructurations permanentes couplées à la baisse des moyens dégradent les conditions de travail et la santé de l’ensemble des agents. Sous cet angle, le Cerema apparait comme une sorte de cas d’école d’exposition à des risques majeurs d’atteinte à la santé.

Nous n’avons pas connaissance, parmi nos nombreuses interventions concernant les Plans de Sauvegarde de l’Emploi dans le secteur privé, d’un exemple d’entreprise soumise à une telle rigueur, sur une telle durée.

2ème résultat : Le cadre de la demande ne prévoyait pas une analyse des activités réelles de travail au sein du Cerema, néanmoins les très nombreux et très riches verbatim recueillis via le questionnaire évoquent de façon très précise ses situations de travail dégradées par tout à la fois : la fuite des compétences, le manque de moyens, le bricolage, l’envahissement du temps de production par les tâches de reporting et de contrôle, la démotivation, et qui finissent par conduire à l’impossibilité de « faire son travail » et de le faire « bien ».

Ce travail empêché, théorisé par Yves Clot, constitue un facteur majeur d’atteinte à la santé, dont l’intensité des troubles induits est proportionnelle au niveau de conscience professionnelle des salariés. En effet ces agents prennent sur eux, et tiennent, parce que, de leur propre aveu, tout cela, malgré les difficultés, continue à avoir du sens, par attachement au service public et à la croyance en l’utilité sociale du service rendu par le Cerema.

Nous faisons de surcroît l’hypothèse que l’importance de ces troubles est en partie masquée par l’importance du turn-over.

3ème résultat : C’est donc dans ce contexte social et organisationnel fragilisé depuis des années, qu’intervient l’annonce de la démarche Cerem’Avenir il y a un an.Les annonces faites en novembre 2019 dans les différentes directions ont créé un choc, à la hauteur des espoirs qui avaient été mis dans le projet d’engager le Cerema sur la piste d’évolutions permettant enfin de travailler mieux, évolutions dont les agents étaient dans leur majorité convaincus de leur nécessité. Non seulement Cerem’Avenir entérine une organisation cible avec une baisse de moins 200 ETP, mais plus encore peut-être, le projet consacre une série d’évolutions organisationnelles qui précipite une perte de sens.

S’il ne fallait retenir qu’un seul résultat issu du questionnaire, ce serait celui-ci : 52% des agents interrogés sont « tout à fait » convaincus que Cerem’Avenir constitue l’étape choisie d’un « démantèlement du CEREMA »,auxquels il faut ajouter 27% d’agents qui en sont « plutôt » convaincus. Sous cet angle,Cerem’Avenir apparaît comme le projet de trop.

4ème résultat : Au-delà de ce que les agents peuvent vivre et exprimer et qui doit être pris au sérieux, l’analyse de la démarche Cerem’Avenir fait office de révélateur, parce qu’elle les amplifie,de l’ensemble des facteurs de risques professionnels auxquels sont exposés les agents du CEREMA, soit :
•Un risque de perte de sens du travail : la conduite du changement par réduction systématique des moyens dans la FPE semble faire l’économie de tout état des lieux organisationnel préalable à la définition des objectifs ;
•Un risque amplifié de surcharge de travail : puisque la conduite de projet, contrainte en amont par son objectif, n’adapte pas des effectifs à une baisse de charge ou de la demande pas plus qu’elle n’adapte la charge de travail à la baisse des moyens ;
•Un risque de dégradation de la performance opérationnelle. L’analyse nous conduit à remettre en cause la pertinence de la rationalisation des organisations prévue par Cerem’Avenir au regard de la prévention des risques professionnels, et cela pour au moins deux raisons : une raison contextuelle (aucune évaluation de la charge de travail ne les a précédées) et une raison générique : ces évolutions qui accompagnent toutes les restructurations où il faut faire « plus avec moins » ont des effets contre productifs à long terme qui sont connus.
•Les risques qui sont ceux d’un PSE, amplifiés semble-il ici par les spécificités qui sont celle de la FPE qui par exemple prévoient pas de façon claire les critères d’ordre des « départs » autorisant par là des conduites individualisées sinon déviantes de défense de son poste.
•Un risque de précarisation subjective, cette dernière est en partie le produit de ces conduites du changement via lesquels les process, les personnes, les outils, et les périmètres sont en perpétuelle recomposition.

5ème résultat : les résultats de l’analyse nous conduisent ici à alerter sur le niveau de troubles comme sur l’intensité des risques professionnelles auxquels sont exposés les agents du Cerema.Si rien n’est entrepris, ces derniers iront en s’aggravant encore. Nous tenons à rappeler ici a minima la responsabilité juridique de la direction du Cerema, en deçà et au-delà des contraintes imposées par son ministère de tutelle.

Or, il nous paraît tout à fait essentiel de rappeler que,d’après le Code du travail (Art L4121-1 et suivants) et la jurisprudence, l’employeur doit prévenir les risques professionnels, notamment en les combattant à la source, et a une obligation de sécurité de résultat en matière de préservation de la santé des salariés. »

A la sortie d’un confinement qui a pu ébranler certains agents et fragiliser les collectifs de travail,les représentants CGT, FO et UNSA au CHSCTE du Cerema sont extrêmement inquiets de la volonté de la Direction Générale du Cerema de vouloir reprendre rapidement la mise en œuvre du projet Cerem’avenir.

Ils vous alertent sur la situation de risque grave avéré auquel sont exposés les agents de leur établissement. Les conditions favorables à un retour à la normale ne sont pas garanties (traitement des RPS, stabilité des effectifs et des moyens). Ils vous demandent d’intervenir rapidement pour l’arrêt du projet Cerem’avenir.

Documents joints