Des interventions de terrain nécessaires durant le confinement, mais avec des garanties pour les agents et une priorisation rigoureuse

vendredi 24 avril 2020

Monsieur le Directeur général,

Concernant les opérations de terrain de l’OFB, vous avez diffusé une nouvelle instruction (N° 2020-DG-02), puis une note de service relative aux missions de connaissance (N° 2020-DGDPCE-04), qui complètent l’instruction du 19 mars (référence 2020-DG-1).

Nous souhaitons compléter ces trois documents par des recommandations, notamment pour pointer les missions qui nous paraissent particulièrement importantes, non reportables et réalisables dans de bonnes conditions de sécurité sanitaire pour les agents.

Un prérequis indispensable nous paraît être que toute mission sur le terrain, de connaissance, de police de l’Environnement ou autres, ne devrait être effectuée par des agents de l’OFB que sur la base du volontariat, aussi longtemps que durera la situation épidémique en France.

En effet, un agent peut légitimement craindre de s’exposer ou d’exposer autrui à un risque de contamination, par exemple si une personne de son entourage est fragile, malade ou âgée, ou s’il a présenté des symptômes qui pourraient être liés au coronavirus. Dans cette période particulière, tout agent devrait être libre de refuser de participer à d’autres tâches que du télétravail, sans avoir à se justifier, et sans que cela n’ait d’incidence sur sa carrière ou ses congés. Il vous appartient de le garantir par des consignes explicites adressées à tous les directeurs et connues de tous les agents.

Nous revenons ensuite sur la garantie de protections suffisantes contre les risques d’infection, adaptées aux conditions de réalisation des missions. En particulier, les agents doivent être dotés des EPI (masques, gants, désinfectant) nécessaires et correctement informés de leur utilisation. A ce sujet, un état complet de la disponibilité de ces EPI par service et de leur réapprovisionnement devrait être fourni à la prochaine réunion du CHSCT (13 mai). Nous vous rappelons que nous avons émis des doutes sur le respect de ces protections pour les contrôles « confinement » dans notre courrier du 9 avril, où nous soulignions la contradiction avec les restrictions des missions de terrain centrées sur le coeur de métier de l’OFB, à savoir la protection de la Nature. Nous sommes toujours en attente de vos réponses aux questions posées dans ce courrier.

Votre instruction N° 2020-DG-02 envisage que d’autres types d’intervention non prévus puissent être autorisés, lesquels devront faire l’objet d’une validation par le directeur régional ou le directeur régional adjoint, après avis de la Direction Recherche et Appui Scientifique (DRAS). Il nous semble que ceci pourrait être le cas dans les Parcs Naturels Marins. En cas de déplacement par bateau, les précautions de la fiche réflexe du 10 avril s’appliquant aux voitures de service devraient être requises, sauf situation d’urgence pour la sécurité humaine. La nécessité de ces interventions en mer devrait être appréciée par le directeur délégué de chaque PNM.

Concernant les missions de police de l’environnement, l’instruction du 20 avril permet
heureusement un élargissement des interventions. La surveillance, le contrôle et le cas échéant le constat des infractions au Code de l’environnement figurent parmi les missions essentielles de l’OFB et ne doivent par être mis en sommeil durant le confinement. Les nombreuses communications de l’OFB à ce sujet démontrent que les atteintes aux milieux naturels et aux espèces n’ont pas cessé, loin s’en faut.

Cependant, il manque dans cette instruction le constat des traitements par pesticides, dont des medias nationaux se sont fait l’écho. Le rôle de l’OFB ne devrait pas se borner à constater les infractions, même en période de confinement : les agents doivent pouvoir reprendre leur mission de surveillance générale, au-delà des cas de « suspicion d’atteintes graves et répétées à l’environnement », car elle n’implique pas nécessairement de contact rapproché avec des tierces personnes, tandis qu’elle a un effet dissuasif pour d’éventuels contrevenants.

Il faut aussi veiller à ce que les priorités d’intervention soient proportionnées aux risques pour l’environnement, indépendamment des demandes d’une catégorie d’usagers (industriels, chasseurs, agriculteurs, pêcheurs, …). Cette priorisation devrait être définie à l’échelle de chaque département en fonction des enjeux écologiques locaux déjà connus, et non suivant les pressions de tel ou tel
lobby, éventuellement par l’intermédiaire d’un préfet. La condition de « validation du préfet ou de ses services » n’a donc aucun sens, s’agissant de prérogatives de police judiciaire : elle est même inquiétante quant à l’indépendance de ces missions – et de notre établissement public - vis-à-vis des préfets.

En outre, certains relevés de terrain utiles aux avis techniques en police administrative doivent pouvoir reprendre au plus tôt, car les délais de réponse aux services instructeurs n’ont pas été rallongés durant le confinement et les dérogations accordées récemment aux préfets (décret du 8 avril) permettent même d’accélérer certaines procédures. Il peut s’agir d’interventions alimentant des avis techniques de l’OFB sur les demandes d’autorisation d’aménagements et d’activités impactant les milieux naturels : visites d’inspection de sites avant chantier, contrôles des
prescriptions inscrites dans les arrêtés d’autorisations, etc.

Concernant les missions de connaissance, en accord global avec la note ad hoc, les types d’opérations suivant devraient être rétablis dans les plus brefs délais :
 le réseau ONDE (suivi des étiages), crucial pour la mise en oeuvre des politiques de l’eau. Il est réalisé individuellement par les agents de l’OFB et ne présente pas de risque sanitaire. Il nous semble d’ailleurs qu’il aurait dû être réactivé dès à présent ;
 le suivi des échouages et captures accidentelles de mammifères marins, dans le cadre du Réseau national d’échouages. 135 agents de l’OFB y contribuent (dans les PNM et SD principalement), soit près d’un tiers des correspondants du RNE. La plupart des échouages ont lieu entre janvier et mai. Si les suivis sont réalisés a minima sans examen interne, ils peuvent être effectués par un agent seul. Les signalements par les usagers étant empêchés par l’interdiction d’accès au littoral
dans la quasi-totalité des régions, il est nécessaire que les agents de l’OFB puissent aussi réaliser des prospections pour détecter des animaux échoués ;
 toutes autres interventions relatives au suivi, à l’étude et à la gestion des espèces et des milieux impossibles à reporter et dont la non-réalisation impacteraient fortement la validité scientifique et l’exploitation des données ainsi collectées pour les politiques publiques de préservation de la biodiversité.

Veuillez recevoir, monsieur le Directeur général, l’expression de notre sincère considération.

Le secrétaire général du syndicat national CGT-Environnement,
Vincent Vauclin

Documents joints